Critique du film "Trance"

 Après une pause aux accents Olympiques, Danny Boyle revient au cinéma avec ce petit thriller british dans la droite lignée de ses premières œuvres. Mais ça, c’est bien en apparence.

 

Il nous avait laissé sur le galvanisant et magnifique 127 Heures qui semblait marquer une nouvelle étape dans sa filmographie, la confirmation d’une liberté artistique rare dont peu aujourd’hui peuvent se vanter. En retrouvant John Hodge, le scénariste de ses 4 premiers films, et un genre qu’il semblait avoir délaissé au profit d’horizons plus ambitieux, Danny Boyle donne l'impression d'un judicieux retour aux sources en forme d’exercice de style routinier. Peu de décors, peu d’acteurs, et une légèreté malgré la violence ramenant forcément à son Petits meurtres entre amis.

 

Et même s’il débute comme un simple film de braquage à l’anglaise, drôle et énergique, Trance prend étrangement peu à peu une tournure surprenante et s’aventure dans des zones inattendues. N’ayant pas peur de perdre le spectateur avec une narration naviguant au gré des points de vue et une mise en scène bourrée d’idées formelles aussi expérimentales que cohérentes, Danny Boyle semblerait partir dans toutes les directions mais il n’en est rien. En vrai chef d’orchestre, il fait preuve d’une maitrise absolue dans ses prises de risques et se voit soutenu par un montage exigeant mais d’une limpidité infinie qui illustre parfaitement un scénario complexe mais ambitieux, transcendant littéralement le téléfilm qui en était à la source. Tout ceci rythmé par la formidable composition de Rick Smith, alliée à un travail sur le son ingénieux et minutieux, confère au film une identité somme toute particulière et fascinante.

Mais il y a surtout dans Trance un jusqu’au-boutisme et une audace qui le rendent immédiatement imprévisible. Si Slumdog Millionaire et 127 Heures contenaient une humanité et une énergie libératrice quasi-bouddhiste, Trance retrouve la rage et la folie des débuts du cinéaste. Se permettant des fulgurances gores et des instants à l’érotisme puissamment évocateur (pour ne pas dire frontale), il fonce tête baissée et fait preuve d’un courage qui impose le respect.

 

Et si le coté sur-esthétisant de Boyle qui n’a peut jamais été aussi prégnant (il bat surement son record de cadres penchés) achèvera définitivement les allergiques au cinéaste, c’est la douleur émotionnelle qui finit par clouer le spectateur. Désespéré et mélancolique, le film met en scène des personnages extrêmes traités à l’extrême et pour lesquels il entretient une croyance inébranlable. Trois personnages forts mais qui ne seraient peut être rien sans la conviction de leurs interprètes. Que ce soit James McAvoy, Rosario Dawson ou Vincent Cassel, le film leur offre à tous les trois l’occasion de faire des étincelles et de s’imposer peut être comme leurs plus beaux rôles.

 

Si le didactisme pourtant obligatoire des dernières minutes empêche le film d’être l’expérience ultime qu’il aurait pu être, il ne gâche en rien la réussite de l’entreprise. Une oeuvre-somme pour son cinéaste (ça tombe bien, c'est sa dixième) qui regroupe toutes ses obsessions thématiques et artistiques, jusque dans ses excès, au cœur d'un objet protéiforme intense à la beauté crépusculaire. Inclassable, terriblement violent, humain, et perturbant, Trance est assurément l'un des films de ce début d'année et permet à Danny Boyle de s’imposer une fois de plus comme un immanquable.

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