Il en aura fallu du temps pour se faire un avis à peu près définitif sur le film, la faute à une inégalité surprenante qui trouve sa raison d'être dans l'existence même du métrage. En effet, le plus gros défaut de La Désolation de Smaug est d'être le Hobbit 2. En attendant le troisième.
Malgré son lot de déçus, Un voyage inattendu était une réussite éteincelante, flambloyant film d'aventure classique et révolution technique majeure. On en ressortait avec une euphorie salvatrice dû en partie à un "cliffhanger" savamment orchestré et annonçant quelque chose de très grand. C'est de la même manière que l'on ressortira terriblement frustré de cette Désolation par une conclusion aussi hallucinante que digne d'un épisode de série tv. C'est bien ici que se situe l'échec du film, dans l'aveu de Peter Jackson de l'inutilité d'un métrage en trois parties. Si l'on ne s'ennuie jamais réellement, le vide narratif est constant et l'on se surprend en fin de parcours à essayer d'énumérer les acquis de cet opus par rapport au précédent. Comme si ses personnages effectuaient un sur-place, l'intrigue semble ne connaître aucune évolution. Pire, s'embourbant dans des digressions parfois inutiles, ils parviennent à effacer le pourtant éponyme et parfait Bilbo. Un comble.
Pourtant, la sauce parvient à prendre. Si la partition de Howard Shore se montre elle aussi inexistante, révélant une fois de plus la nature de remplissage de dernière minute du film, et la mise en scène de Jackson en grande partie basée sur du champ/contre-champs annihlant l'épique attendu, le film parvient in-extremis à emporter l'adhésion. La "faute" à des personnages éminément attachants et portés par un casting fabuleux et bourré de classe (que ce soit Martin Freeman et ses mimiques, l'ambiguité de RIchard Armitage ou charisme de Luke Evans). Le deuxième atout de taille, ce sont bien sûr les trois grosses scènes d'action qui englobent le film. Les fameuses araignées, le bouquet final ou bien sûr la formidable séquence des tonneaux qui offre à Jackson l'occasion de retrouver toute sa niaque en proposant un morceau de bravoure exaltant et virtuose (qui enterrine en prime le débat entre les pour et contre HFR tant la suprématie du format est évidente et le film irregardable en 24 img/s), La Désolation de Smaug s'impose comme un vértable roller-coster d'aventure qui rappelle d'ailleurs forcément le Tintin de Spielberg. Mais l'autre grand moment de cet opus, c'est bien sûr Smaug qui donne au film toute sa démente dernière demi-heure. Tour de force technique et narratif, personnage aussi fascinant que terrifiant, il est une réussite absolue qui permet aux ultimes minutes du métrage de se révéler forcément des plus excitantes.
Frustrant car jamais vraiment toujours au niveau de ses meilleures séquences, La Désolation Smaug n'en demeure pas moins un film 100% Jackson qui parvient en outre à trouver son propre rythme de croisière lui permettant de se démarquer encore un peu plus de la trilogie de l'anneau. Résultat en demi-teinte donc, mais jamais réellement râté grâce à la maestria de son metteur en scène. En fin de compte, il devient évident que le film parviendra par la suite à exister lorsque les trois épisodes seront mis côte à côte, sa nature de film du milieu l'handicapant sérieusement (là où Les deux tours parvenaient justement à proposer malgré tout une unicité qui le rendait autonome). Qui a dit Matrix ?