Quatre après l’immense surprise que fut Dragons, ce second opus était attendu au tournant. Pouvait-il réitérer l’exploit de son prédécesseur ? Dean DeBlois, co-réalisateur du premier film et désormais seul aux manettes, allait-il parvenir à renouer avec la grâce aérienne qui avait touché les spectateurs en 2010 ? La réponse est oui, 1000 fois oui.
C’est par une ouverture symétrique que le film débute : la présentation de Berk, quatre ans plus tard. Comme l’infime variation qui s’entend dans le thème majestueux de John Powell, les choses ont changé et le temps a fait évoluer aussi bien les personnages que l’univers qu’ils occupent. Un monde désormais plus vaste, qui ne concerne plus les seuls recoins environnants mais va bien au delà des terres du héros, Hiccup, qui a pris ses galons d’explorateur et arrive à l’écran après quelques minutes de film dans une scène d’une beauté hallucinante et d’une force revigorante (rythmée par l’entêtant morceau Where No Ones Goes de Powell et Jónsi, leader de Sigur Rós). C'est d'ailleurs visuellement que le film stimule tout d'abord, de par la qualité de l'animation et le rendu des textures, ainsi que dans son esthétique flambloyante qui doit certainement beaucoup à la présence de Roger Deakins en conseiller technique. Un régal pour les yeux réhaussé par une 3D apportant une envergure supplémentaire aux images, que ce soit dans les fantastiques scènes aériennes ou dans un jeu de rapport de taille constant.
Le récit étonne par la densité de ce qu’il raconte, tel un prolongement logique du premier opus, et développe chacun de ses personnages avec une maturité surprenante. Sans rentrer dans les détails, l’évolution de Hiccup se montre d’une remarquable intelligence, comme sa très belle relation avec Toothless désormais devenu un personnage à part entière, bien plus qu’un simple « dragon de compagnie ». C’est d’ailleurs le rôle donné à ces derniers, traités d’égal à égal avec les humains, qui apporte au film une nouvelle dynamique tout en se montrant finalement d’une vraie cohérence avec le précédent film. En y intégrant un méchant humain rappelant furieusement le Thulsa Doom de Conan le barbare, Dean DeBlois y développe ainsi un axe de réflexion sur les rapports de force et la soumission à l’autorité. Des thématiques fortes qui ajoutent encore un peu plus d’épaisseur à une narration impressionnante de maîtrise.
Même s’il n’échappe pas à un petit ventre mou, nécessaire, en milieu de métrage, quel autre film d’animation récent pourrait se vanter d’être parvenu à créer autant de variations émotionnelles ? Alternant les morceaux de bravoure avec un sens du spectacle remarquable, Dragons 2 jouit ainsi d’une richesse dramatique stupéfiante et sait même se montrer par moments d’une cruauté bouleversante. Même si un humour simple et attachant est toujours présent, la légèreté des jeunes années a disparu en même temps que les personnages ont grandit, et le récit se permet ainsi de les emmener dans des recoins étonnamment sombres. Heureusement le souffle épique entre-aperçu dans le premier film envahit désormais pleinement l’écran, apportant aux instants les plus douloureux une puissance salutaire et de véritables moments de grâce. Puisant dans l’inconscient collectif pour étoffer son imagerie (Star Wars, Le Seigneur des Anneaux, Avatar, Godzilla, Conan), y déployant même un aspect mythologique avec le dragon Alpha, la puissance d’évocation des images est d’une force inouïe et n’a d’égale que les formidables notes et coeurs de John Powell.
Un pur moment de cinéma au classicisme brut et à la sincérité désarmante. Remarquablement beau, bénéficiant d’une mise en scène d’une intelligence rare et d'un récit à la portée émotionnelle inouïe, Dragons 2 répond à toutes les promesses du premier épisode et va bien au-delà. Il aura fallut du temps à Dreamworks Animation pour définitivement prendre la relève de Pixar, mais qui aurait cru qu’ils nous offriraient en même temps le plus beau film de l’année ?